La méthode
À partir de 1942
et surtout l'année suivante commencèrent des actes barbares où
l'assassinat était associé aux mutilations par coupe ou arrachage
de membres, leur sciage, par "éventrage" et "éviscération"
etc ne sont comparables à l'échelle européenne que partiellement
au génocide croate opéré par les Oustachis
d' Ante Pavelić
sur les Serbes. La différence était de taille: par des expulsions
ponctuelles et des
conversions forcées au
catholicisme la population serbe s'est maintenue dans l'État
fantoche. Ni les Soviétiques ni les Allemands ne pratiquèrent de
tels actes à une telle échelle. Leur génocide fut réalisé par
des formations spécialisées et en uniforme: Einsatzgruppen der
Sicherheitspolizei et Sicherheitsdienst pour les Allemands, le NKVD
pour les Soviétiques. Dans le cas ukrainien à côté de l'UPA de
Bandera et, en Volhynie, des formations concurrentes, partisans se
réclamant de Tarass
Boulba et ceux de Andriï
Melnyk puis des bandes de
dizaines de milliers de paysans ukrainiens, formés parfois en
groupes d'autodéfense (Samoobronni Kouchtchovi Viadidy), auxiliaires
de l'UPA de fait, participèrent aux grandes actions de nettoyage des
Polonais, leurs voisins, armés de haches et de fourches etc., une
sorte d'arrière-ban ukrainien avec des femmes, des adolescents et même
les enfants se chargeaient de voler les biens des morts,
d'incendier les bâtiments et de porter le coup de grâce aux blessés.
Tout cela se déroula en dépit du bon voisinage, voire de
l'amitié déclarée, vécus
par les survivants. C'est pour cela que Władysław et Ewa Siemaszko ( Władysław Siemaszko, Ewa Siemaszko, The Reconstruction of Nations:
Poland, Ukraine, Lithuania, Belarus, 1569-1999, Yale University Press,
New Haven, 2003."Ludobójstwo dokonane przez nacjonalistów ukraińskich na
ludności polskiej Wołynia 1939-1945 (Le génocide commis sur la population polonaise de Volhynie par les nationalistes ukrainiens 1939-1945),
qui ont documenté
les
faits, comme Poliszczuk (Wiktor Poliszczuk, "Dowody zbrodni OUN i UPA" (Preuves des crimes de l'OUN et l'UPA), Toronto 2000;Wiktor Poliszczuk, "Ludobójstwo nagrodzone" (Le génocide récompensé), Toronto 2003, ont insisté sur le terme de génocide
ukrainien, et non nationaliste ukrainien comme le voudrait Wiktor
Poliszczuk, partant du même point de vue que celui du président de
la RFA, Roman Herzog qui n'a pas parlé, lors de sa visite à Varsovie en 2004, des
crimes nazis, ce qui est en
contradiction avec le terme d'Etat Nazi couramment employé par les
historiens allemands, mais
bien des crimes commis par les Allemands. Ces mêmes auteurs abordent
aussi un autre problème qui relève de la spécificité de ces
massacres, celui des couples mixtes. En effet, les bourreaux
obligeaient le conjoint ukrainien à assassiné son propre conjoint
polonais. Ce type de barbarie n'a jamais été relevé dans le cas de
couples polono-russes ni celui de couples germano-juifs (cf. le cas
du professeur Karl Jaspers où le couple vécut certes durant des
années dans le Suizidbereitsschaft (Autobiographie philosophique, Aubier, Paris, 1963) mais il n'était jamais question
d'assassiner son conjoint juif. Pire, le génocide fut accompli par
les Ukrainiens, citoyens de la République de Pologne, habitants de
ses territoires orientaux, ayant rarement démontré une quelconque
loyauté à l'égard de l'État de l'entre-deux-guerres parmi
lesquels, après la guerre, certains se faisaient reconnaître cette
citoyenneté, parfois en utilisant les papiers de leurs victimes
assassinées, afin d'être considérés comme "rapatriés"
en direction de la Pologne dans les frontières de Yalta ou des zones
d'occupation occidentales de l'Allemagne pour y recevoir le statut de
réfugiés et émigrer en Amérique anglo-saxonne (surtout
au Canada). Pour ma part, je considère que la position de Poliszczuk est la bonne, et j'expliquerai pourquoi dans une partie consacrée aux théoriciens du nationalisme ukrainien.
Les historiens en ont aujourd'hui la certitude: en 1943, le chef de l'UPA pour la Volhynie, Klym Sawur (ou Savour) donna
l'ordre de liquidation de la population polonaise habitant les 11
cantons (powiats) de la voïévodie: hommes, femmes, enfants et
vieillards. L'idée, l'acceptation et l'exécution de l'ordre étaient
conformes à l'idéologie nationaliste de l'OUN et l'UPA: au nom du
peuple on peut tout faire et même tuer en masse Selon l'historien
Grzegorz Motyka, connaisseur des événements volhyniens, aucune des
deux parties ne voulait et ne pouvait céder. Le conflit
polono-ukrainien s'avéra vite inévitable. Mais l'ordre de Klym
Sawur n'aurait pas dû peser si lourdement, les massacres n'auraient
pas dû avoir lieu. L'UPA décida de liquider tous ceux qui
empêchaient l'action libératrice de ses partisans. Le slogan: "Il
n'y aura pas de Polonais, il n'y aura pas de problème en Volhynie"
fut réalisé dans sa forme la plus sanguinaire. Une partie des
historiens de l'Ukraine occidentale comme beaucoup d'hommes
politiques et de leurs sympathisants préfèrent taire l'affaire de
la tragédie de
Volhynie ou de parler de deux vérités de ces
événements: polonaise et ukrainienne. Cette dernière évoque et
explique les causes des événements par les injustices commises par
la Pologne de 1918-1939, les crimes et la collaboration de l'AK avec
les Allemands entre 1941 et 1943. La discussion sur la Volhynie fut
difficile sous les communistes, Moscou ainsi que Kiev considéraient
l'OUN et l'UPA comme des organisations criminelles. Le statut de
combattant fut refusé aux anciens membres. Beaucoup de leurs
dirigeants furent déportés aux goulags mais pas pour les crimes
commis sur les Polonais de Volhynie. Jusqu'en 2003 l'UPA était considérée par Kiev comme
une résistance à caractère criminel. La déclaration commune de
1997 des présidents ukrainien, Koutchma et polonais, Kwasniewski, où
il était question du sang polonais versé en Volhynie entre 1942-43,
n'évoquait en rien son caractère criminel. Pourtant en Ukraine occidentale, de Lviv
(Lwów) à Loutsk (Luck) et Rivne (Równe), l'UPA est reconnue comme
une armée héroïque.
(à suivre)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire